8 minutes 9 secondes L’enseignant en histoire Louis Audet, figure emblématique du Département de sciences humaines, a décidé de prendre sa retraite, après 30 ans d’un investissement pédagogique qui aura laissé sa marque sur plusieurs générations. Il termine d’ailleurs sa carrière en beauté, après avoir reçu, du 4 au 6 juin, pour la toute première fois dans l’Est-du-Québec, le congrès annuel de l’Association des professeures et professeurs d’histoire des collèges du Québec (APHCQ). L’occasion d’une dernière visite guidée enrichissante du centre-ville de Matane, animée à l’intention d’une délégation officielle au nom de l’établissement.
Un sens marqué de l’organisation
La Fête de la reconnaissance du personnel, organisée le 28 mai, a été l’occasion de rappeler quelques-uns de ses nombreux accomplissements. Après cinq années à enseigner l’histoire à la fois au Centre matapédien d’études collégiales (CMÉC) et au Cégep de Matane, à partir de l’an 2000, il a poursuivi l’exclusivité de sa carrière au sein de ce dernier. Dès l’année qui a suivi, il est parvenu, avec le Département de sciences humaines, à lancer le premier séjour pédagogique à l’international. « Je me souviendrai toujours du visage des membres de la Direction quand on leur a annoncé, sans préavis, après avoir obtenu la subvention dont nous n’avions pas ébruité la demande, que nous partions en Belgique », raconte-t-il, une fierté amusée dans le regard.
Cette manière, avec astuce, de s’attaquer aux lourdeurs administratives d’un établissement collégial fait d’ailleurs l’admiration de ses collègues. « Son sens de l’organisation est tellement développé qu’il lui arrivait d’avoir écrit les comptes rendus de nos rencontres départementales avant même que les réunions n’aient commencé », plaisante sa consœur Sophie Turbide. Ainsi, l’équipe pédagogique du programme le remercie chaleureusement pour tous ses sages conseils et son engagement sans faille au service de la formation Sciences humaines, dont il est lui-même sorti diplômé en 1988 et à l’évolution de laquelle il a contribué, au gré des mises à jour et autres réformes ministérielles.
Un engagement sur plusieurs fronts
Son séjour pédagogique en Normandie, pour le 70e anniversaire du Débarquement, son animation du club politique et de plusieurs midis électoraux, pour attiser le sens de la démocratie chez les jeunes, la participation à des simulations étudiantes d’une séance de l’ONU ou d’un débat parlementaire, la collecte de récits de vie, en 2011, immortalisés au Musée de la mémoire vivante de Saint-Jean-Port-Joli : difficile d’énumérer avec parcimonie tous les projets dans lesquels il s’est impliqué, seul ou avec ses collègues. Il souhaite d’ailleurs rendre un vibrant hommage collectif à celles et ceux avec qui il aura eu la chance de collaborer durant sa carrière.
Certains retiendront les serments solennels qu’il faisait prêter aux élèves. D’autres se souviendront avec appétit des reconstitutions de banquets romains et de repas médiévaux. On sourira de bon cœur en se rappelant le costume de mascotte fièrement porté lors des Olympiades de 2023. Une image de lui en globe terrestre chanteur de rap entrée dans les annales! Toujours est-il que son approche pédagogique originale a été couronnée, en 2015, d’une mention d’honneur de l’Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC).
S’adapter aux nouvelles technologies : un vrai défi
En trente années de carrière, l’enseignant en histoire admet avoir été confronté à un changement radical : la substitution des livres par la technologie numérique. « Quand je demande à des élèves de compléter leurs recherches par l’emprunt de livres à la bibliothèque, leur réaction me donne l’impression de leur demander d’accomplir une tâche insurmontable », relate-t-il, en évoquant l’évolution du rapport à la lecture.
« Aujourd’hui, on s’arrache les cheveux avec l’IA! Il n’est plus rare de lire dans des copies des extraits de discours n’ayant jamais été prononcés, bien qu’on les attribue à une personnalité historique. Des contre-vérités factuelles, manifestement générés par l’intelligence artificielle, se glissent plus facilement dans les travaux. Ça nous demande une vigilance redoublée. Ça nous oblige aussi à développer de nouvelles stratégies d’enseignement », explique-t-il, en soulignant l’importance de cultiver un esprit critique acéré face à tous ces nouveaux outils.
Cette mise à jour pédagogique, Louis l’avait déjà pratiquée au cours de sa carrière. En 2021, il avait notamment utilisé certaines fonctionnalités du jeu Assassin’s Creed pour faire découvrir la Grèce antique à des élèves de première année. « Se plonger, sous cette forme-là, dans un travail d’analyse, peut s’avérer plus stimulant pour les jeunes générations que d’effectuer une recherche traditionnelle dans une revue de sciences sociales », constate l’enseignant. Louis prouve, là aussi, qu’il aura tenté de prendre le taureau par les cornes, en expérimentant de nouvelles approches d’enseignement, mieux adaptées aux évolutions de la société.
Faire rayonner l’histoire locale, sa grande passion
Pour ce Matanais de naissance, l’enseignement de l’histoire a été aussi l’occasion de mettre en valeur celle de la région. Son dernier cours a d’ailleurs eu lieu sur le terrain, fidèle à son goût pour les sorties pédagogiques en dehors des salles de classe. Son dernier contact avec des élèves se sera ainsi passé au bureau d’accueil touristique de Matane, le 30 avril, lors d’une visite du phare. L’intitulé même du cours de première année qu’il donnait à cette occasion, Sur les traces de notre passé : pratiques et enquêtes en histoire, illustre à merveille l’immense intérêt qu’il porte au patrimoine et à l’histoire locale.
Cet engouement a d’ailleurs mené, en 2021, à la naissance de la bourse Claude-Otis. « C’est sans doute l’enseignant dont l’influence a été la plus grande sur l’ensemble de ma carrière. Je suis très fier de tout ce qu’il m’a légué. J’admirais sa grande érudition. C’était un vrai pilier durant mes études. Je suis fier qu’on lui rende hommage à travers cette bourse », lance-t-il, en se réjouissant, par ailleurs, de la pérennité de ce projet, mené en lien avec la Société d’histoire et de généalogie de Matane (SHGM), au sein de laquelle il ne manquera pas de continuer à s’impliquer durant sa retraite.
Poursuivre son travail de terrain
Louis compte aussi, à l’occasion, faire profiter la population de son expertise, lorsque le contexte géopolitique s’en montrera propice. Il a déjà animé différentes conférences historiques, sur des sujets locaux et internationaux comme l’histoire des traversiers de Matane, le régime politique des États-Unis, le conflit israélo-palestinien, ou encore le printemps arabe. C’est ainsi qu’il s’était engagé, auprès du comité de parrainage Syrie-Matanie, à contextualiser, en 2017, les caractéristiques du régime syrien et de la guerre civile, pour mieux comprendre les enjeux de déplacements des populations exilées, qui lui tiennent particulièrement à cœur. On le retrouvera également aux quatre coins du territoire, à offrir des visites guidées sur l’histoire de Matane, en lien, par exemple, avec le Service d’accueil des nouveaux arrivants de la Matanie (SANAM), avec lequel il lui est déjà arrivé de collaborer.
En attendant, il laisse derrière lui un Département de sciences humaines fortement rajeuni et bien déterminé à reprendre le flambeau. « Cette équipe-là est d’autant plus extraordinaire que j’ai fait partie de tous leurs comités de sélection », ironise-t-il, en faisant retentir son rire reconnaissable. Ajoutons aussi à cette liste les membres du personnel à qui il aura enseigné, dont certains ont même gravi les échelons jusqu’à la direction adjointe des études du Cégep de Matane. L’ensemble de la communauté collégiale lui adresse ainsi ses vœux les plus fervents pour une retraite pleine de projets stimulants, d’épanouissement personnel et de moments chaleureux en compagnie de ses proches!
